« Mais comme on pouvait s’y attendre c’est Kaoru qui montra le plus bel appétit. Tout en veillant à ce qu’il y ait suffisamment à boire, à ce que les petites assiettes ne soient pas sales et à passer la sauce ou le sel, elle finissait systématiquement ce qu’elle avait dans son assiette dans son style habituel, en bougeant à peine les lèvres et les yeux baissés. Les aliments qu’elle portait à sa bouche, qu’il s’agisse de poulet, de pommes de terre ou de persil, disparaissaient comment engloutis dans un gouffre obscur.
J’eus l’impression que tout au fond de ce gouffre était peut-être tapie cette « créature marine ». Kaoru ne mangeait-elle pas d’une manière aussi mécanique pour la recouvrir ? »
Yoko Ogawa, Les tendres plaintes
Quel est le lien entre la littérature et la Thérapie Alimentaire ? Cette description de Yoko Ogawa touche un point sensible que nous sommes nombreux à reconnaître. D’une manière subtile et juste, avec un sens minutieux de l’observation tout au long du roman, nous observons et peut-être comprenons les liens qui existent entre l’histoire de Kaoru, et sa façon d’être, et plus particulièrement sa façon de manger.
Kaoru est une jeune femme ordinaire avec son histoire comme nous tous. Elle n’a pas de problème de poids, pas de problème avec la nourriture, ou de troubles du comportement alimentaire. Simplement, elle essaie de gérer sa vie comme elle peut, avec les événements qui se présentent à elle et sur lesquels elle n’a pas de prise. La narratrice observe, décrit sa façon d’être, sa façon de manger, qui fait même l’objet de plaisanteries parmi les protagonistes sans que cela ne la blesse. Petit à petit le lecteur découvre l’histoire de Kaoru, comprend l’origine de la « créature marine » et au bout de deux cents pages se trouve cet extrait que je partage avec vous.
Observations bienveillantes versus jugements
A travers les descriptions et les observations bienveillantes, sans jugements, nous apprenons à connaître les goûts et les habitudes alimentaires de Kaoru. C’est exactement ce que la pleine conscience apporte à chacun. Car la plupart de nous ont une relation différente avec l’alimentation : qui n’a pas encore soi-même entendu les petites voix dans sa tête si promptes à juger ? « Tu te goinfres encore ! T’en a pris deux ! Demain tu fais double dose de sport ! » ou encore « Tu ne mérite pas cela ! Tu dois toujours te ruer sur cette tablette de chocolat ! » quand ce n’est pas carrément : « Tu n’a pas honte ! »
Ces habitudes ne sont pas faciles à changer. Quand on a adopté un comportement jugeant, voir culpabilisant avec la nourriture, toute la relation à l’alimentation s’en trouve modifiée et devient chargée de négativité qui, en réalité, n’est pas en lien direct avec la nourriture elle-même.
Certes, nous pouvons essayer d’adopter des habitudes saines, nous pouvons nous assurer que notre alimentation correspond à notre profil, à notre âge, à notre activité ou nos besoins spécifiques, c’est même une étape très importante. Et pourtant, ce n’est souvent pas suffisant. Et c’est là où la Thérapie Alimentaire peut aider.
La lecture à travers la boussole de l’intervention
Très nombreux sont mes clients qui ont déjà fait le travail visant à trouver l’alimentation qui leur convient et pourtant, les signes de certaines réminiscences du problème sous-jacent sont toujours présents, sous une forme ou une autre : grignotages, choix alimentaires non adaptés malgré les connaissances, intolérances, orthorexie, pour n’en citer que quelques-uns.
Et c’est précisément là, où l’approche de la Thérapie Alimentaire peut intervenir. A travers des outils spécifiques, selon le besoin, l’intervention peut se faire dans le comment ou le pourquoi de la boussole, afin de trouver une porte d’entrée dans le cercle vertueux.
Parfois cela commence par le Comment, et on passe par la pleine conscience pour apprendre à s’observer, à adopter une posture bienveillante et dépourvue de jugement. On apprend à reconnaitre sa faim, à distinguer les faims physiques des autres besoins, à savoir comment notre corps signale ses besoins divers et variés, à reconnaitre la satiété entre autres. C’est un long apprentissage, car il faut acquérir le savoir faire et le savoir être qui vont être utile et nécessaire pour changer. Le savoir intellectuel n’est ici pas d’une grande aide, c’est la répétition dans la pratique encore et encore qui va établir de nouveaux chemins dans le cerveau et qui va petit à petit remplacer l’ancienne façon de faire.
La Thérapie Alimentaire pour affronter le monstre
Et arrive un moment quand on aura accès au côté « pourquoi » de la boussole. Dans notre exemple la narratrice a reconnu le lien entre le monstre et la façon de s’alimenter de Kaoru. Mais est-ce que Kaoru elle-même l’a reconnu ? Veut-t-elle le savoir ? Si c’est le cas, à travers des questionnements, elle pourrait petit à petit lever le voile, mettre en lumière certaines choses et faire des liens. Le contenu, la vitesse, tout dépendra de son souhait, et le travail pourrait ainsi se faire à son rythme, dans la douceur.
Kaoru pourrait faire des liens, elle pourrait s’observer avec bienveillance et empathie, elle obtiendra ainsi les clés pour se comprendre et au final, elle sera libre de faire ses choix : ce n’est plus la nécessité de « recouvrir » le monstre qui guidera son alimentation, mais ses véritables besoins. Elle pourra être en contact avec son corps, avec ses émotions, même avec le monstre ; et si jamais il se manifeste, elle aura d’autres façons d’y faire face et son alimentation se libérera de ce poids qu’elle porte depuis si longtemps…
Pour terminer, petit retour à notre roman, avec en prime la recette des délicieuses onigiri que je vous ai concoctée, et dont il est question ci-après.
» – Tu en as mangé sept en tout, lui fit remarquer Nitta au moment où elle tendait la main vers la dernière boulette de riz.
– C’est gentil de compter, lui répondit-elle d’un air vindicatif. Mais elle ne lâcha pas la boulette.
– Il y en avait quinze en tout, Ruriko en a mangé trois et moi cinq, alors il en reste sept.
– C’est trop difficile, je ne sais pas compter, dit-elle avant d’engloutir sans bruit la boulette.
Nitta et moi nous avons ri, Don a mordillé bruyamment le bord de son écuelle. «
La recette des boulettes de riz (ou onigiri) aux pétales de fleurs
Ingrédients
- 150 g de riz de sushi
- 3 c à s de vinaigre de riz
- 1 boîte de thon
- 1 c à s de mayonnaise
- concombre coupé en petits dés (environ 5 cm)
- quelques fleurs de bourrache et de souci
- 1 c à soupe de sésame noir
- 2 feuilles d’algues coupé en morceaux
- 3 c à s de sauce soja ou tamari
Préparation
Cuisez le riz selon les instructions sur l’emballage. En fin de cuisson ajoutez le vinaigre de riz et laissez tiédir le riz.
Mélangez le thon avec la mayonnaise. Ajoutez ce mélange au riz refroidi, puis versez les dés de concombre et les pétales de fleurs.
Mélangez bien.
A l’aide de vos mains mouillées (ou sur du film plastique), formez des boules. Si vous souhaitez faire des onigiris, choisissez la forme triangulaire. Si vous en avez, vous pouvez utiliser des moules et des emporte-pièces pour faciliter le travail.
Servez les boulettes sur un morceau d’algues ou repliez les rectangles d’algues sur les deux côtés des triangles onigiris.
Servez avec des légumes frais ou fermentés et un peu de sauce soja ou de tamari.
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Sources :
Le livre : https://livre.fnac.com/a7110077/Yoko-Ogawa-Les-Tendres-Plaintes
La Boussole : https://www.alimentation-integrative.fr/la-boussole-de-lintervention/
La Thérapie Narrative : https://www.alimentation-integrative.fr/lapproche-narrative-kesako/