Je vous vois venir : manger ce que je veux, quand je veux, comme je veux. Oui et non.:-) Je m’explique.
En 2008 je travaillais dans les bureaux de Biocoop en tant que responsable fournisseur. Notre équipe d’une bonne quinzaine de personnes était responsable des référencements des produits sur le catalogue national de l’enseigne. Notre tâche consistait à vérifier si le produit était conforme au cahier des charges strict, à fouiller dans les provenances, les modes de production, parfois dans les usines et aussi à faire respecter les engagements pris par les fournisseurs et ceux du réseau. Et, bien entendu, pour être sûr que les produits valait la peine d’être référencés, il fallait tout goûter. Nous recevions tous les jours des produits ou des fournisseurs qui proposaient leurs dernières trouvailles, échantillons bien sûr à l’appui.
Dans ces bureaux insolites les dossiers partageaient l’espace avec les denrées alimentaires, la moitié de mon bureau était occupée de confitures, de bonbons, de thés, de tisanes, et celui de mon collègue d’en face de biscuits, de conserves de toutes sortes, de soupes et de chocolats. On goûtait tout les jours de nouveaux produits, ou on finissait les paquets commencés la veille. Après ma grossesse, avec la fatigue et le stress, je grignotais du matin au soir. Plus je mangeais, plus je maigrissais. Chouette, vous vous dites peut-être, mais je vous assure que pour moi ce n’était pas chouette. Je ne pouvais pas m’arrêter de manger, je ne pouvais pas ne pas grignoter. Je ne pouvais pas partir de la maison sans avoir quelque chose dans mon sac, et si je sentais la faim, il fallait que mange de suite, faute de quoi non seulement je devenais insupportable, mais aussi pleine de douleurs ( merci à mon entourage de m’avoir supportée dans ces moments !) Je mangeais quand je voulais, ce que je voulais, autant que je voulais. Et je n’étais pas pour autant libre, loin de là !
Au fil des années avec ma propre expérience et mon travail avec mes clients, ma pensée sur la liberté alimentaire a évolué. Aujourd’hui je pense qu’on est libre quand on est libre de choisir de dire non, d’attendre, de ne pas manger, ou juste de goûter. On est libre quand on peut se dire : non, je viens de manger, je n’ai pas faim de ce cookie. Quand on est libre d’arrêter après un carré de chocolat sans regret et de son plein gré, simplement parce que cela nous suffit. Être libre, c’est prendre un gâteau dans la boîte, le goûter, puis le déposer parce que cela ne vaut pas notre recette, et on ne se sent pas obligé de le finir.
On est libre quand on peut passer à côté d’une assiette pleine de chouquettes au travail sans même s’en apercevoir, parce qu’on vient de prendre le petit déjeuner (ou bien la regarder mais se dire : je n’ai pas faim) Être libre, c’est reconnaître et traiter nos émotions et nos besoins profonds ailleurs que dans nos assiettes (ou dans le pot de glace). Être libre, c’est reconnaître nos vrais besoins et non pas être à la merci de nos envies momentanées, c’est prendre soin de son corps en l’écoutant. Être libre, c’est aussi reconnaître les publicités qui nous manipulent et ne pas tomber dans le piège à 10h du soir de grignoter devant ses séries préférées. Être libre, c’est se libérer de la dictature du miroir, de la dictature de la minceur, de la dictature de l’éveil spirituel et s’accepter tel qu’on est, où on en est, ici et maintenant.
Vaste programme-n’est-ce pas ? Je crois bien que si on ne fait pas ce travail de fond, on ne peut jamais être libre alimentairement parlant et dans nos vies tout court. Dans le cas contraire, on est la proie facile des pubs, des gourous de la santé, des régimes en vogue, des chouquettes au boulot, du stress, des émotions et de nos besoins cachés, de la tablette de chocolat ou du bout de baguette recouvert de pâte à tartiner.
» Les hommes ne sont pas libres quand ils se contentent de faire ce qu’ils veulent. Les hommes ne sont libres que lorsqu’ils font ce à quoi aspire leur moi le plus profond. Et il faut descendre pour atteindre ce moi le plus profond ! Cela suppose de savoir plonger. » D.H.Lawrence
Donc oui, je suis libre quand je mange ce que je veux, quand je veux, comme je veux – à condition d’être profondément aligné sur mes besoins, mon corps, mon « moi » le plus profond et non pas sur mes pensées, envies ou émotions momentanées. Et cela, c’est loin d’être une mince affaire. Il m’a fallu quelques années pour me délier de mon accoutumance aux sucres, pour savoir reconnaitre les vrais besoins profonds de mon corps, des tas de stages, lectures et thérapies pour pouvoir gérer mes émotions et mon stress en dehors de mon assiette. C’est tout à fait possible. J’accompagne aujourd’hui les personnes curieuses qui souhaites trouver la paix et la liberté intérieure et aussi les personnes qui souhaitent se former à ce type d’accompagnement.