Le langage du changement – une ouverture vers des possibles

La conversation

  • Qu’est-ce qui vous amène ? 
  • Je suis diagnostiquée de candidose, de sensibilité chimique multiple, de SAMA (syndrome d’activation mastocytaire), je ne tolère aucun médicament et je ne peux pas manger froid et que très peu d’aliments.  
  • Et comment tout cela se manifeste ? 
  • J’ai des chutes de tension, des hypoglycémies, des intolérances très poussées et des fringales si je suis fatiguée.

Nous explorons ensemble l’histoire de ces problèmes. À un moment donné, une demis-phrase attire mon attention. 

  • Vous avez contacté une association de malades d’atteints de ce syndrome ? 
  • Oui. C’était vraiment enfermant. 
  • Vous pouvez m’en dire un peu plus ? 
  • On s’est saisi de moi. On m’a dit que “ça va aller en empirant” ou “tu auras d’autres crises, il faut s’y habituer”. On m’a déposé des choses que j’aurais souhaité ne pas savoir. 
  • Et qu’en pensez-vous de tout cela aujourd’hui ? 
  • Je l’ai très mal vécu. Et cela a eu un effet pour la suite. Je me suis de plus en plus isolée.
  • Comment nommerez-vous cet ensemble de problème qui est présent actuellement dans votre vie ? 
  • Les médecins disent que j’ai la maladie de l’oiseau rare.

Je note dans ma tête qu’elle n’a pas répondu à ma question, elle n’a pas nommé le problème. Elle a énoncé ce que les autres en disent. Je continue donc :

  • Et êtes-vous d’accord avec cette appellation ? 
  • Non, dans la mesure où on essaie de me faire comprendre que je suis à côté de mes pompes. 
  • Et dans quelle mesure vous pourriez être d’accord ? 
  • Si je reprends cette notion de lanceur d’alerte, qui montre les dangers dans l’environnement pour les autres, qui ne les voient pas, là, c’est sûr, je les sens et mon corps les indique clairement. Je pourrais être d’accord. 

Ceci est un extrait d’une conversation avec une dame qui souffrait de multiples problèmes très handicapants au moment où elle m’a contacté. Cette partie de notre échange a marqué un changement de position dans la perception du problème et dans son positionnement pour y faire face. Ce sont ces quelques phrases et questions en apparence banales et anodines qui ont ouvert la voie vers une évolution positive. 

Qu’est-ce qui est tellement puissant dans ce type d’échange ?

Pour l’illustrer, je vais vous présenter dans les grandes lignes les travaux de Jerome Bruner sur les langages. C’était un psychologue et spécialiste des sciences cognitives, disparu en 2016.  Il distingue deux modes fondamentaux de pensée et de construction du sens :

  1. Le langage logico-scientifique
    • Il repose sur la logique, la rationalité et les preuves empiriques.
    • Il cherche à démontrer, classifier, analyser objectivement la réalité.
    • Il est utilisé dans la science, la technique, et le raisonnement formel.
    • Son but est de produire des vérités universelles et vérifiables.
  1. Le langage narratif
    • Il structure la pensée sous forme d’histoires, de récits et d’expériences subjectives.
    • Il permet d’interpréter le monde à travers des contextes humains et émotionnels.
    • Il donne du sens aux événements en les reliant dans une trame cohérente.
    • Il est fondamental dans la culture, l’identité personnelle et la transmission des savoirs.

Revenons à notre exemple. Pour le client en question, à un moment donné, il était très important de trouver des réponses, des diagnostics pour comprendre ce qu’il se passe. C’est normal, ces éléments ont répondu à un certain niveau à ces questionnements et ont ouvert des pistes pour la poursuite de sa démarche. Les réponses diminuaient les incertitudes et la complexité. Mais en faisant cela, elles ont transmis l’idée que cet état est immuable, cela durerait dans le temps et le champ des possibles se trouvait grandement diminué. 

Et en même temps, vu comment certains de ces éléments ont été déposés sur elle, ils ont construit un bouclier d’enfermement, qui, après un certain temps ne pouvait pas être ignoré : cela posait d’autres problèmes, majeurs, pour vivre sa vie et ce qu’elle souhaitait pour sa vie. 

Le langage narratif proposé a introduit la complexité, une subjectivité et les émotions. Il a permis de voir l’histoire autrement, et ainsi de prendre une position différente face aux événements. Il a également introduit la temporalité, et l’idée avec, que même si c’était comme cela dans le passé, cela peut changer dans le présent ou dans le futur. La perception s’est élargie, et les perspectives différentes se sont apparues. Le client a pu reprendre pouvoir sur sa vie, à retrouver une capacité à agir (certes, dans un premier temps, limité, mais déjà beaucoup plus large qu’auparavant). 

Implications dans le travail d’accompagnement

Il ne s’agit en aucun cas d’opposer les deux types de langage ou de dire qu’il y en a un qui est bon et l’autre non. Il s’agit d’observer les effets, de savoir comment se positionner et faire autant que ce peut, preuve de nuances et de délicatesse pour éviter les écueils. 

Dans une démarche d’accompagnement (thérapeutique ou de coaching), la compréhension et l’usage de ces deux modes de pensée sont essentiels : développer une double écoute, savoir quand et comment intervenir. 

  • Accueillir le récit du client, en favorisant les nuances, la subjectivité. Ne pas rester uniquement centré sur les problèmes, ou sur un diagnostic, qui réduirait la personne à ses soucis, et l’assujettirait au pouvoir des autres (Quel que soit ce pouvoir), diminuant ainsi le client à une personne passive qui devient juste un réceptacle des traitements ou des conseils. 
  • Transformer ce récit pour ouvrir des perspectives : En reformulant ou en introduisant des nuances à ces histoires, la personne peut les réinterpréter. Cela est une grande aide pour envisager de nouvelles possibilités, à sortir des schémas limitants et à reconstruire un sens plus porteur.
  • Intégrer une approche logico-scientifique quand nécessaire : Apporter des éléments factuels, rationnels et des explications claires (par exemple en psychoéducation ou en alimentation) permet d’offrir des repères concrets et crédibles.
  • Articuler les deux modes pour favoriser le changement : Un bon accompagnement ne repose pas uniquement sur des conseils pratiques (logico-scientifiques) ou des explorations subjectives (narratives), mais sur une alternance fluide des deux en fonction des besoins du client.

En combinant vos outils actuels à ces compétences essentielles, vous pourrez offrir un accompagnement qui transforme véritablement la vie de vos clients – et qui vous apporte, à vous aussi, plus de satisfaction et de joie dans votre métier.

Vous souhaitez en savoir plus ?

Venez apprendre cette façon de faire avec la formation Les leviers de changement, où vous pourrez acquérir les compétences pour les questionnements narratifs, le double écoute et divers outils pour ouvrir les perspectives des client. 

Les implications pratiques – un exemple parmi d’autres

« IL Y A VINGT ANS, un vendredi après-midi, je me retrouvai face au diagnostic terrifiant d’un cancer du foie. Nous étions au début de l’automne en Nouvelle-Angleterre. La lumière était magnifique. Une multitude de feuilles rouges et jaunes y dansaient. J’étais la dernière patiente d’un médecin qui, la nouvelle assénée, manifesta son désir de clore l’entretien en se levant et en zippant sa mallette. En état de choc, je me levai, lui serrai la main et sortis. Assise dans ma voiture, je le vis lentement sortir de ma vie et disparaître dans son week-end. Je n’ai aucun souvenir de comment je rentrai à la maison, informai mon mari et préparai le repas. En mettant ma fille de trois ans au lit j’étais la même femme, épouse et mère. Mais ma position dans le monde avait changé. Le diagnostic des «trois mois restants >> était comme un morceau de béton qui me suivait partout. Je ne pouvais ni le bouger ni en faire quoi que ce soit. Je n’étais sûre que d’une chose: jamais je ne reverrais ce médecin. »

Marie-Pierre Dillenseger – La Voie du Feng-Shui, Interéditions, 2016

Objectif du travail, perte de poids, thérapie narrative, alimentation intégrative

Si, il y a vingt ans, Marie-Pierre Dillenseger avait écouté le diagnostic enfermant et n’était pas aller chercher d’autres regards, qui ouvrent des perspectives, nous serions plus pauvre dans ce monde d’une vision différente, plus humaine, et de beaucoup de livres et de messages qui peuvent transformer des vies.

Rejoignez une nouvelle génération de professionnels, compétente, bien formé scientifiquement, qui peuvent faire la différence en posant un regard différent sur l’Homme, et lui redonne la capacité d’agir, y compris dans des situations très complexes.

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *