Les aliments ne sont que des aliments, ni bons, ni mauvais – Really ?
Dans les mouvements « manger en pleine conscience » on entend souvent cette phrase : food is just food, les aliments ne sont que des aliments. C’est à dire qu’ils ne sont ni bons, ni mauvais, contrairement à l’image et aux jugements que nous posons sur eux.
Je salue la volonté de démolir la vision binaire ami/ennemi et de démystifier les règles de la nutrition. En effet, c’est nécessaire. Les gens au régime, quel qu’il soit, qui ont des listes de « il faut » et « il ne faut pas », ou les orthorexiques qui lisent à la loupe chaque étiquette ont vraiment besoin d’un assouplissement de cadre, c’est bien mon avis également.
L’industrie agro-alimentaire
Mais « food is just food » ne tient pas compte de l’enjeu COLOSSAL que la manipulation des sens du consommateur représente : des quantités vendues, des parts de marché, des goûts meilleurs que la concurrence, la vue, l’odeur, la pub et j’en passe. J’ai recherché les chiffres pour que vous compreniez bien : 180 milliards d’euros en 2017 en France, c’est le premier secteur industriel en chiffre d’affaires. L’industrie agroalimentaire est un secteur d’innovation. Une entreprise sur cinq, soit 20%, introduit chaque année un nouveau produit sur le marché, (alors que la moyenne n’est que de 16% dans les autres secteurs).
Les plus grands industriels emploient une foule de personnes pour comprendre d’une part le comportement des consommateurs, et d’autre part les mécanismes du cerveau pour les préférences, les choix. En soit aucun souci, me direz vous. Mais si vous savez que, dans la pratique, ces gens travaillent sur comment vous rendre accro de sorte que vous ne pouvez pas arrêter de manger avant d’avoir entièrement terminé le paquet de chips ou que vous engloutissez une telle quantité de glace à la petite cuillère directement de la boîte, jusqu’à vous sentir mal ensuite, cela ne change-t-il pas votre perception ? Car OUI, les produits sont fait ainsi volontairement. Non, ce n’est pas votre faute si vous finissez le paquet, ce n’est pas un manque de volonté, il a été fabriqué pour qu’il en soit ainsi. C’est le résultat des recherches sur la palatabilité, les neurosciences, les arômes et les adjuvants de toutes sortes qui font, qu’au final, on ne peut que tomber dans le piège.
Notre comportement alimentaire
Comme le décrypte le magazine Cerveau et Psycho*, notre comportement alimentaire, régi par des mécanismes biologiques (la faim, le rassasiement et la satiété) est resté stable pendant des millénaires. Mais depuis que nous devons faire face aux produits industriels fabriqués pour procurer du plaisir, que nous sommes confrontés à tout bout de champ à une offre très attrayante, cela ne fonctionne plus. Nous avons beau savoir qu’il est mal de finir ce paquet de chips, que ce n’est pas sain de carburer sur des litres de soda par jour, ou encore de se shooter aux sucres, nous ne pouvons pas nous raisonner ni nous arrêter. Bien entendu, le fait de faire attention aux signaux, à sa faim, à ses émotions, à sa satiété, à ne pas se laisser distraire en regardant la télé ou son portable peut grandement nous aider à ne pas sur-manger, mais si l’accoutumance est déjà installée, nous ne pouvons pas faire autrement que d’y répondre. C’est peut être dû au fait que la consommation stimule une partie du cerveau (hedonic hotspot 🙂 qui provoque le plaisir et qui est stimulée par des molécules opioïdes – qui peuvent malheureusement aussi être issues de notre alimentation en cas d’intolérances.
Les dégâts des accoutumances – de la schizophrénie au TDA
L’accoutumance au niveau alimentaire a exactement les mêmes racines que l’addiction aux drogues. Vous pensez que j’exagère, peut-être ? Même pas. Le sucre est plus addictif que la cocaïne. C’est entre autres pour cela que j’ai étudié l’addictologie en Hongrie lors de mon cursus, j’ai observé le phénomène car je voulais comprendre. C’est bien connu, la plupart des gens qui réussissent à se sevrer des drogues tombent ensuite dans l’addiction aux sucres. Nous connaissons tous des gens qui, après l’arrêt du tabac, prennent des kilos en grignotant. (vous pouvez aussi regarder le témoignage d’Eric Clapton qui a clairement identifié son problème d’accoutumance aux sucres bien avant son addiction à l’héroïne.)
Et c’est sans parler des intolérances qui créent également des accoutumances via les peptides opioïdes, selon certaines recherches. Quand les aliments de type céréales à gluten et produits laitiers ne sont pas digérés convenablement à cause d’un microbiote déséquilibré, les protéines se transforment en substances dont la structure chimique est proche de celle des opiacées. Ces opiacées traversent la barrière hémato-encéphalique et font des dégâts dans le cerveau dont les effets visibles peuvent se manifester comme de la schizophrénie, de l’hyperactivité/TDA, de l’épilepsie ou encore une polyarthrite rhumatoïde. Pour des explications détaillées je vous renvoie au livre de la neurologue Dr Natasha Campbell-McBride. Elle parle également d’autres mécanismes à l’oeuvre, par exemple liés à notre microbiote, car, bien entendu, ce n’est pas si simple que cela, d’autres processus peuvent également être impliqués.
Voilà pourquoi c’est possible depuis 50 ans déjà de soulager des familles confrontées à des difficultés de troubles de comportement, troubles de l’humeur ou de l’attention etc, à l’aide de programmes comme celui du Dr Feingold, le GAPS du Dr Natasha Campbell ou le FAILSAFE de l’hôpital RPAH à Sydney !
Le rôle des aliments
Dire que food is just food, dans ces conditions là, peut donc être inapproprié. Car sont à l’oeuvre à la fois une tromperie à travers les produits industriels fabriqués spécifiquement pour entretenir une relation de « wanting » (je veux !) avec le produit donné, et en même temps des effets physiologiques d’un dérèglement dû aux sucres, aux intolérances etc.. Dans ces cas-là, on ne peut pas lutter, se raisonner, ou simplement écouter notre corps et ses besoins.
90% des produits du supermarché ne sont pas des nourritures vraies
Food is just food est donc une phrase appropriée, du moment qu’on parle des « nourritures vraies » – des aliments bruts, non transformés, présents dans la nature depuis la nuit des temps et que l’humanité consommait bien avant la deuxième guerre mondiale. C’est à dire que 90% de ce qu’on trouve au supermarché est EXCLU. Rentrent dans cette catégorie uniquement les légumes, les fruits, les poissons, les produits laitiers naturels, bruts (infime pourcentage des frigos), la viande, les oléagineux, les graisses non transformées. (Et encore, on est bien d’accord que le boeuf élevé sur tourteau de soja, dopé aux hormones n’en fait pas partie, tout comme les « spécialités laitières » ou les margarines riches en oméga 3.)
C’est entre autres pour cela que dans notre livre nous évoquons non seulement des clés de la pleine conscience et de la gestion des émotions, mais nous donnons aussi des aides pratiques à travers les questionnaires et les conseils, afin de regarder de plus près les problématiques liées à la consommation de sucres ou des intolérances.
Et peut-être vous comprendrez aussi pourquoi nous insistons tellement sur les « nourritures vraies » – un concept qui a l’air ringard dans ces temps d’innovations nutritionnelles où tout fabricant qui se respecte nous donne des arguments de santé pour consommer son produit, même (et surtout !) s’il s’agit d’un produit industriel hautement transformé pour nous convaincre de l’utilité et des bienfaits de ce produit. Derrière ces conseils très simples qui peuvent être perçus comme simplistes par certain(e)s, il y a la science, des recherches et aussi des expériences de terrain.
En conclusion
Alors oui, mangez en conscience, écoutez vos signaux, mangez vrai, prenez soin de votre corps et de ses besoins, et n’oubliez surtout pas le côté physique, charnel. Tout a son importance, et en alliant corps et psyché nous sommes plus forts et plus équilibrés.
Avec le programme Eat Happy nous travaillons dans cet objectif : nous parlons à la fois de quoi manger, comment manger et pourquoi manger. Si vous voulez retrouver la forme, l’énergie, le sommeil, rejoignez le programme de 8 semaines en petit groupe !
Pour aller plus loin :
- *Cerveau & Psycho, N°108 Mars 2019
- Dr Natasha Campbell-McBride, Le syndrome entéropsychologique, Nutrition Holistique, 2004
- www.feingold.org
- https://www.slhd.nsw.gov.au/rpa/allergy/