Pourtant, il est clair, chiffré, et le nombre de clients qui exposent cela dans les deux premières phrases du premier entretien sont légion, vous me direz. Oui, c’est vrai et pourtant, ce n’est pas un objectif TRAVAILLABLE.
Dans cet article, je vais vous donner quelques éléments pour étayer cette affirmation, et vous montrer les problèmes que le fait d’accepter une phrase de ce genre induisent ultérieurement dans le travail. Je vous propose également d’autres façons de travailler pour un véritable objectif, basé sur cette demande.
Un objectif commun, lors d’un travail d’accompagnement, c’est une des premières tâches à laquelle on s’attèle. Les clients arrivent avec une demande, en l’occurrence dans cet exemple ce qui est énoncé dans le titre, et là, il s’agit d’une demande de résultat. Le client a une vision du problème, et nous, de l’extérieur, nous pouvons en avoir une autre. Un objectif commun est donc un état où nous sommes d’accord tous les deux et nous pouvons travailler dans la même direction, avec des moyens dont dispose l’accompagnant et qui conviennent aussi au client. Un objectif commun est donc un premier résultat du travail engagé des deux côtés.
« Un objectif commun est donc un premier résultat du travail engagé des deux côtés. «
En général, le client arrive avec une demande, parce qu’il souhaite solutionner un problème et qu’il a une vision de ce problème à la hauteur de ses connaissances. MAIS il est également enfermé dans SA vision du problème et dans SES tentatives de solutions antérieures. Comme vous avez déjà dû l’entendre, quand on est dans la bouteille, on ne voit pas l’étiquette. On attribue à Einstein la phrase que la bêtise humaine est de répéter les mêmes choses et d’ attendre un résultat différent.
Nous, accompagnants, sommes là à la fois pour entendre l’appréciation que le client a du problème, son histoire et ses connaissances actuelles. Mais nous sommes là aussi pour pouvoir lui permettre d’aller plus loin, lui offrir une ouverture, une autre façon d’envisager la situation ou d’autres voies que celles qu’il avait pu imaginer au départ et ainsi sortir des tentatives de solution dans le schéma ” un peu plus de la même chose”, qui resteront la plupart du temps tout aussi infructueuses que les précédentes. (pensez à un nouveau régime par exemple)
Dans le cadre du Profilage Alimentaire, qui n’a pas encore entendu “je veux remédier à ma dysbiose” pour découvrir que ce déséquilibre est en effet présent – MAIS à cause d’un épuisement chronique ou de stress chronique ou un état de « canaritude » par exemple. Accepter cette demande comme objectif signifierait renoncer à voir plus loin que le client et s’enfermer avec lui dans la même bouteille, sans voir l’étiquette.
Donc, si je reviens à l’exemple du titre, c’est bien une demande de résultat et non pas un objectif. Cela peut uniquement constituer un point de départ pour une discussion afin de chercher un objectif COMMUN : c’est à dire un objectifs sur lequel nous nous mettons d’accord de travailler ensemble, dans ce cadre : nous, avec nos connaissances, nos outils et notre expérience, et le client, avec tout ce qu’il l’amène (que ce soit conscient ou pas!). Un objectif commun doit être positif, précis, mesurable, atteignable, réaliste et temporel.
Quel est donc le problème avec cette demande ?
1. Il n’est pas positif, mais négatif
2. Nous ne savons aucunement s’il est atteignable au moment où le client l’énonce, nous avons une tonne d’informations manquantes à ce sujet
3. Réaliste ? Qui sait ? Comment le déterminer ?
4. Quant à la temporalité, nous ignorons tout de la réponse du corps aux changements proposés. Juste deux exemples de ma propre pratique :
– quand j’ai demandé à une cliente comment elle était arrivée dans mon cabinet, elle m’a répondu : “ma voisine m’a dit qu’elle perd du poids rien qu’en parlant avec vous”. J’apprends donc quelle est la vision de notre travail de ma première cliente. Est-ce pour autant que cela serait vrai pour sa voisine ? Je l’ignore. Si cela va durer pour la première cliente ? Je l’ignore également.
5. Et, comme toujours, il y la question de l’écologie : est-ce écologique pour cette personne à ce moment de sa vie, de perdre du poids ? Parce que s’il s’avère que la personne est en projet de procréation ? Ou bien si elle est épuisée ? Vraisemblablement en travaillant sur l’objectif de perte de poids, sans prendre en compte d’autres paramètres, on lui fera plus de mal que de bien.
Si on accepte une demande de résultat sans discuter, avec plusieurs inconnues dans l’équation, plus tard le client sera déçu, car c’est comme si on avait passé un accord tacite sans discuter, et qu’il pensait que l’objectif convenait.
Que faire donc avec ce type de demande ?
Quand j’entends cette phrase, je commence à poser des questions pour comprendre tout un tas d’informations qui n’ont pas été dites mais qui entrent dans l’équation. Des questions sur l’historique, sur les motivations, sur les échecs, sur les espoirs ou les valeurs. Voir quels sont les enjeux. Qu’est-ce qui est derrière cette demande, qu’est-ce que ça sous-entend dans la vie du client. Qu’est-ce que le client pense solutionner en atteignant cet objectif. (“si je pèse 55 kg, je vais récupérer mon mari, qui veut divorcer ” – entendu en consultation. Imaginez le poids que la personne se met et met sur le client avec cette envie… Pour autant est-ce que cela va véritablement arriver ? Rien n’est moins sur. Ou encore « avoir une relation amoureuse digne de ce nom » – Est-ce vraiment dépendant de chiffres sur la balance ? )
Ce sont ces éléments qui nous permettent d’élaborer ensemble, avec le client, un objectif commun, où nous sommes d’accord tous les deux sur la direction à prendre, que l’on considère comme réalisable. Par exemple un objectif possible sera “me sentir mieux dans mon corps, bouger avec plus de souplesse, avoir plus d’énergie.” Cela donne une première grande direction, puis nous pouvons affiner en posant des questions sur comment le client saura qu’il se sent mieux dans son corps ? Comment c’est observable ? Pareil pour la souplesse, dans quel contexte le client pourrait voir la différence ? Comment cela se manifesterait ? Plus d’énergie par rapport à quoi ? Quel est le niveau d’énergie d’aujourd’hui ? Comment c’est possible de voir que l’énergie augmente dans son quotidien ? Etc. Les réponses ne sont jamais faciles et évidentes. Les questions font réfléchir le client et l’amènent dans des endroits encore non explorés, et ouvrent la voie vers une nouvelle vision du problème et de Soi.
Après avoir discuté de tout cela avec le client, nous aurons donc une réelle direction, puis des éléments concrets et observables sur l’avancement. A ce moment-là nous avons un objectif qui a été travaillé, discuté, auquel les deux parties adhèrent, qui est positif, précis, mesurable, atteignable, réaliste. Pour définir le côté temporel, il est intéressant de poser des questions sur la vision du client pour savoir dans combien de temps il estime que ces changements seront possibles. Cela nous donnera l’occasion de confronter les souhaits à la réalité, et si nécessaire, approfondir ce sujet. Est-ce que les changements observables qu’on a trouvés ensemble, pourront se manifester dans un délai de quelques jours ? semaines ? ou plus ? Cela dépend bien entendu de l’état actuel du client et de la démarche entreprise. Toujours est-il que ce questionnement permet de détecter les attentes irréalistes et de les rectifier en discutant, ainsi que de se mettre d’accord sur une temporalité qui est en adéquation avec la situation et les possibilités. Il ne s’agit donc pas de souhaits et de rêves (“je veux rentrer dans ma robe de cocktail d’il y a quelques années le …. du mois de …..” ), mais de la prise en compte de la réalité actuelle, dans ce qu’on connaît.
Prendre le temps de faire le travail de fixer un objectif commun permet de faire avancer la réflexion du client sur la vision du problème (sous-entendu, l’élargir) et cette négociation aura comme effet que le client se sente entendu ET sera responsabilisé dès les premiers moments du travail commun. C’est SON travail, nous sommes là pour l’accompagner, mais sur un chemin dont nous savons qu’il est praticable. Outre le fait de renforcer l’engagement et l’alliance thérapeutique, l’effet sur l’accompagnant est précieux : cela enlève le poids des “promesses” irréalistes et non réalisables de ses épaules.
Je vous encourage donc à ne pas négliger cette première étape, prendre le temps d’explorer la question avec le client. Et si vous voulez élargir vos compétences de renforcer l’alliance thérapeutique, et de discuter pour faire avancer la réflexion, rejoignez la formation Les leviers du changement. Vous apprendrez les questions adéquates, des techniques de questionnement et acquerrez les compétences pour guider ce type de discussion aisément. Et beaucoup d’autres informations et outils utiles pour un travail d’accompagnement épanouissant et pour des changements durables.
Contactez-moi pour plus d’information ou renseignez-vous ici : https://www.alimentation-integrative.fr/work/formation_leviers_du_changement/