Plus jamais ça ! – martèle ma tête en boucle. Je m’assois à mon bureau, je regarde mes feuilles, mes notes, mes pensées défilent et me crient dessus dans une rage remplie de peur : je ne pourrais jamais accompagner les gens et faire ce métier.
Les ombres sur le mur blanc s’allongent, l’odeur discrète de la peinture fraîche se fait de plus insistante dans mes narines et ma gorge, tandis que j’erre dans ma tête dans une sorte de marécage rempli de brouillard qui cache de ma vue toute issue possible.
Je ne pourrais jamais accompagner ces gens malgré mes formations, malgré les sacrifices sur plusieurs années pour moi et ma famille, et malgré mon enthousiasme et mon savoir. A ce moment précis, la passion s’est dissoute dans ces gouttelettes de nébulosité, laissant un arrière-goût bien plus amer que doux, et ne demeurent que ces trois mots et une fatigue pesante de l’incompréhension ; pourtant tout avait si bien commencé et tout s’était mis en place sans heurt sur mon chemin.
J’ai rencontré Brigitte lors de mon premier mois dans les bureaux du réseau biocoop ; elle nous dispensait la formation sur les liens entre alimentation et santé. Dès le premier jour je savais que c’était ça que je voulais faire. J’ai passé vite fait dans ma mémoire sur les années chez biocoop en tant que responsable fournisseur et je me suis remémoré la joie d’intégrer la formation de Brigitte une fois que j’ai quitté mes fonctions de responsable fournisseur.
Notamment la dernière journée de la formation :
- “Repensez au moment où l’idée de suivre cette formation a germé dans votre tête.” – suggérait la coach invitée qui était chargée de nous transmettre les bases pour notre installation future. J’ai repensé à ce moment précis, au début de ma formation interne chez biocoop, quand l’idée s’est ancrée pour la première fois dans ma vie professionnelle ; et quand j’ai formulé après avoir passé ma première journée avec Brigitte en tant que formatrice – il y a des lustres, vu de maintenant – : “c’est ça ce que je veux faire !”
- “Et maintenant, repensez à ce moment précis, où vous terminez la formation” – Mince alors, je l’ai fait ! Je suis sortie de la boîte, je me suis inscrite, j’ai survécu aux marathons des sessions de 4 jours non stop de 8 h à 20h, en vivant et en cuisinant ensemble tous les repas, entre les parties théoriques. Une joie immense a commencé à grandir à l’intérieur de moi, qui demandait que je lui laisse la possibilité de s’exprimer. Des larmes de joie ont commencé à couler sur mes joues : je savais que j’étais là où je devais être.
Mais alors que se passe-t-il maintenant ? Ca y est, j’y suis !
J’ai tout fait ce qu’il fallait, j’ai fini mes formations, j’ai mes outils dans lesquels je crois, j’ai préparé un cabinet pour accueillir mes clients dans un endroit agréable.
Que se passe-t-il maintenant ? – crie ma rage intérieure.
Pourquoi ce brouillard, la lourdeur, la confusion, l’incompréhension ? Je me sens perdue. Je me sens découragée. C’est comme si je m’étais préparé à mordre dans un morceau de gâteau moelleux au chocolat avec de la chantilly légère, imaginé depuis des années et au moment tant attendu mes dents se seraient heurtées à une masse dure et collante au goût du goudron. Je m’ étouffe, je tousse.
Pourtant c’est bien ce qu’il s’est passé avec cette première cliente qui vient de partir. Elle était intéressée, elle a repris rendez-vous et par la suite nous avons fait un beau travail ensemble pendant plus d’un an. Puis une fois qu’elle a eu des enfants, elle est revenue de nouveau. Donc j’ose affirmer que ça s’est bien passé, ce premier rendez-vous de ma vie d’accompagnant. Du point du vue du client….
Alors pourquoi cette sensation ? Je sais que je suis au bon endroit. J’ai fait ce qu’il fallait pour être un bon professionnel. Bon. Alors qu’est-ce qui se passe ?
Et là, le brouillard commence à se dissiper.
Ma confiance commence à revenir.
En fait, le problème n’est pas MOI (ouf !), le problème n’est pas mes connaissances insuffisantes ou ma capacité d’accompagner. (encore Ouf !)
Le problème réside dans mon ignorance de COMMENT accompagner les gens.
Je commence à respirer.
Les bruits de la maison commencent à s’infiltrer de nouveau dans ma conscience.
Il y a une issue.
Et je sais où chercher : Ce ne sont pas les outils qui me manquent, mais le savoir-être d’un accompagnant.
Au début, je pensais le trouver dans une planification, une organisation et une préparation à outrance. Mais ce travail accru et le recentrage sur les outils n’étaient pas suffisants pour remplir ce rôle : je faisais un peu plus la même chose qui ne marchait déjà pas au départ, et le résultat était juste encore plus de fatigue et d’incompréhension. Puis ma sœur, à qui j’ai commencé à parler de mes difficultés et qui est (entre autres) psy, m’a donné des livres à lire et j’ai commencé à me poser les bonnes questions et à chercher ailleurs.
Mon tout premier rendez-vous m’a mis sur le chemin de la recherche d’outils complémentaires. J’ai commencé à suivre des formations, à lire des livres, et à demander de l’aide sur le COMMENT travailler avec les clients. Le contenu, je l’avais, ce n’était pas le problème. Mais comment faire en sorte que le client se sente compris, que je puisse faire des propositions qu’il puisse saisir et qu’il puisse accéder à un changement à son rythme, ça, je ne savais pas le faire. Et je ne savais pas qu’il y avait encore un tas de choses que je ne connaissais pas sur le métier d’accompagnant. J’ai intégré les différentes informations issues de mes nouvelles découvertes au fur et à mesure dans ma pratique : le bon cadre, la bonne posture, les bonnes questions, les bonnes techniques au bon moment, les bons exercices, et mille et un petits plus sont venus au fur et à mesure enrichir ma pratique.
En refermant la porte derrière mon premier client, je n’aurais jamais imaginé où cette quête née du sentiment d’inconfort et de doute m’amènerait. Je ne savais pas que toute ma vision du monde et de l’humain serait affectée par mes apprentissages et qu’un jour j’aurais envie de transmettre toutes mes découvertes à des professionnels qui, comme moi au début, se sentent limités dans leur pratique malgré tous les apprentissages, formations et les outils efficaces qu’ils ont acquis. Je n’aurais jamais imaginé que quelques années plus tard, en refermant la porte derrière le dernier client de la journée je serais remplie de joie et d’énergie et que j’attendrais avec impatience les prochains rendez-vous avec mes clients.
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